"Hot" Europe

Cette page appartient au Dossier FILM NOIR

Après ce voyage dans le Berlin Express et l'Europe fragmentée, il m'est difficile de laisser de côté ce thème de la guerre. J'ai en mémoire quelques films qui traitent ouvertement ou font allusion à la guerre mondiale 1939-45 ou encore, à la situation en Europe à la veille de la guerre. Je ne situe pas tous ces films dans le cadre des films noirs mais tous ont eu le même impact au moment de leur sortie en salle.

C'est le cas de nombreux films de Hitchcock de cette époque, à partir de The man who know too much (L'homme qui en savait trop en 1934),

"Je suis désolé" dit Louis (Pierre Fresnay)
L'homme qui en savait trop vient de recevoir une balle en pleine poitrine

Préparation de l'attentat
Abbott (Peter Lorre) donne les indications sur le moment du tir en fonction de la musique


 puis Sabotage (Agent Secret en 1936), où l'on peut penser à un complot étranger (voir dans ce Dossier "L'aquarium"), The lady vanishes (Une femme disparaît-1938) dans lequel l'atmosphère de complot, d'espionnage et de guerre est très présente.

Il y a aussi la propagande du pacifisme chez Hitchcock, lequel aura tant de plaisir à se lancer plus tard dans la propagande anti-communiste. Malgré cet aspect propagandiste de l'idéalisme chez Hitchcock, traité de façon assez caricatural et plutôt lourd, il y a de bonnes séquences humoristiques comme dans Foreign Correspondant (Correspondant 17-1940) où l'on retrouve le thème du célèbre pacifiste kidnappé que traite Tourneur dans Berlin Express traité dans la page précédente.
«Je ne veux pas d'un correspondant. Je veux un reporter, quelqu'un qui ne sait distinguer entre un isthme et un kangourou» décide le directeur d'un journal lorsque la guerre est sur le point d'éclater en Europe. Johnny Jones, alias Huntley Haverstock(Joel McCrea) sera un Tintin en Hollande,  qui enquête sur la mort (ou l'enlèvement?) du grand pacifiste Van Meer. Il reçoit la visite, dans sa chambre d'hôtel à Amsterdam, de deux faux policiers et s'échappe par les toits.
Dans son escapade, il éteint les lettres E et L du mot HOTEL, transformant l'enseigne HOTEL EUROPE en HOT EUROPE, car ça "chauffe en Europe" dans le film et, à cette époque, dans la réalité d'une pleine guerre.



La vision de l'Europe déchirée et en particulier de Londres bombardée, c'est Fritz Lang qui la donne avec Ministery of Fear (Le ministère de la peur-1944) dans lequel Ray Milland est pris dans un réseau nazi qui opère en Grande Bretagne pendant le Blitz –le bombardement sans discontinuer de Londres et d'autres villes du Royaume Uni dans les années 1940-41
Le même Fritz Lang monte Hangmen also die (Les bourreaux meurent aussi-1943) qu'il situe en Europe de l'Est dans un climat de résistance à l'occupant très réussi.

Reinhard Heidrich dirige les opérations d'occupation de la Tchécoslovaquie
Représailles et coups de filets contre la résistance tchèque à Prague

Il fallait bien aussi justifier aux américains des Etats-Unis l'engagement auprès des européens dans la guerre contre l'Allemagne hitlérienne: c'est Casablanca (1942-Michael Curtiz) To have and have not (Le port de l'angoisse-1944-John Huston)… sans oublier cette passionnante histoire vraie sur des documents volés en Turquie dans l'intérêt des nazis en 1944. C'est Five fingers (L'affaire Cicéron- Joseph Mankiewicz-1952).

Les documents volés dans l'opération Ciceron
sont-ils fiables se demandent les allemands?


James Mason pourra-t-il photographier
tous les documents intéressant le débarquement en Normandie
avant que les services secrets britanniques n'arrivent?


L'après guerre, nous l'avons vu avec Berlin Express, mais c'est aussi la chasse aux nazis avec The stranger (L'étranger-1945- Orson Welles),
Orson Welles pourra-t-il effacer son passé nazi?
... surtout lorsqu'il passe devant un cimetière juif

l'espionnage nazi en Amérique du sud avec Gilda (1946-Charles Vidor), ou Notorious (Les enchaînés-1946-Hitchcock),

Notorious-
Les "hommes d'affaire" nazis décident
d'éliminer l'un d'entre eux qui s'est montré imprudent

C'est au tour d'Alex (Claude Rains)
de subir le jugement du groupe nazi

Le plus souvent, ce thème de la guerre apparaît en toile de fond et, dans les films noirs, fait de ses personnages des anti-héros, des ratés. Pensons à Humphrey Bogart, le scénariste amer et sans inspiration après la guerre, dans In a lonely place (Le violent-1950-Nicholas Ray),


 Aldo Ray, à son retour de sa base au Japon dans Nightfall (Poursuites dans la nuit-1956-Jacques Tourneur),


 Henri Fonda dans Daisy Kenyon (Femme ou maîtresse-1947-Otto Preminger) en permission à New York en provenance de l'Allemagne occupée.

Henri Fonda:«Lorsque je revins d'Europe la première fois après le jour J (débarquement en Normandie), New York n'était plus mon foyer. Aussi je revins en Allemagne»

Joan Crawford: «Je suppose qu'en Allemagne rien n'aura changé»



 Peut-être même  Van Heflin dans The strange love of Martha Ivers (L'emprise du crime-1946-Lewis Milestone) lorsqu'il plaisante avec l'ami Kirk Douglas retrouvé après 18 ans ne veut pas parler des années de guerre: «Çà n'a pas d'importance, j'ai voyagé, j'ai été ici et là, tu sais, je me suis diverti»,…

Van Heflin et Kirk Douglas

Je compte bien revenir sur tous ces films.

Et pour commencer je pense à cette image de Montgomery Clift à son départ pour la guerre, probablement en Europe, puis à son retour dans I confess (La loi du silence-1953-Alfred Hitchcock)...

A suivre...