"The house on Telegraph Hill" (Robert Wise)

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Le fil conducteur
La guerre en Europe a été une source d'inspiration pour le film noir des années 1940-50 et les films traités antérieurement le prouvent. Le thème des camps de concentration nazis évoqué avec The stranger de Orson Welles nous a conduit à ouvrir une page sur les cinéastes qui sont intervenu dans l'archivage des documents filmés lors de la libération des camps.
A la différence de The stranger, où les documents sur les camps de concentration étaient présentés comme archives et non reconstitués, dans The house on Telegraph Hill (La maison sur la colline- Robert Wise- 1951) le mélange fiction/document est imbriqué.

Cependant, la fiction dans le camp de Bergen Belsen suffisamment discrète pour ne pas nous mettre en contradiction avec la réalité, bien que les maquillages paraissent forcés. La réalité est bien là avec le centre de réfugiés ou les passagers qui émigrent vers les Etats-Unis.







Les prises de vues sur l'Organisation Internationale des Réfugiés et l'embarquement de personnes vers les Etats-Unis ont été cédées par l'ONU qui souhaitait les rendre publics "afin de faire prendre conscience des activités de l'organisation", selon une note des archives de la Fox. Il y a aussi ce témoignage, lu dans IMDb, de ceux qui en étaient et qui se reconnaissent dans le film:

«Mes parents ont eu leur 15 secondes de célébrité» [et ils ne l'ont su que bien des années plus tard avec cette scène du film] dit cette personne qui fut le bébé dans les bras de son père. Elle ajoute: «le bateau était le SS Marine-Jumper qui quitta Hambourg ce jour-là et arriva à New York le 7 juillet 1949».



Telegraph Hill
Située à San Francisco, c'est une des sept collines "originales" (voir quelques vues dans le lien suivant:  jbmonaco). Telegraph Hill s'appelait Loma Alta (haute colline) pendant la colonisation espagnole puis Goat Hill (Colline des chèvres) à l'époque de l'immigration irlandaise et enfin Telegraph Hill suite à l'installation d'un sémaphore en 1849 pour communiquer la nature des navires entrant dans le port. C'est à présent un quartier résidentiel, comme l'attestent certaines vues du film. Il a servi pour d'autres films comme Basic Instinct, Hulk, Sister Act, Doctor Dolittle. Si beaucoup de séquences sont tournées effectivement dans le quartier de Telegraph Hill, et dans plusieurs rues de San Francisco, le département artistique de la Fox utilisa le célèbre restaurant Julius'Castle Restaurant auquel il ajouta le terrain que l'on voit face à la maison dans le film. Le film fut nommé aux Oscars pour la direction artistique.



Robert Wise
Le réalisateur de West side story (1961) et The sound of music (La mélodie du bonheur- 1965) a d'abord été un monteur réputé auprès de Orson Welles, avec Citizen Kane et The magnificent Ambersons. C'est en 1947 qu'il réalise son premier film noir Born to kill suivi de The set-up ( Nous avons gagné ce soir-1949)) l'un des meilleurs sur la boxe, qui se déroule en temps réel, forme narrative que l'on retrouvera dans The killing de Stanley Kubrick. Après The house on Telegraph Hill, il reviendra au film noir avec Odds against tomorrow (Le coup de l'escalier-1959) son dernier film en noir et blanc qui donnait à son œuvre une force réaliste peu égalée.



Film noir?
De The house…, on pourrait penser qu'il s'agit d'un film "gothique" ou d'épouvante dès que l'on pénètre dans la maison titre, sombre et menaçante, après nous être libérés des camps de concentration nazis. C'est certainement un thriller, mais les éléments du film noir vont vite apparaître. C'est d'abord la photo de Ballard, dont nous avons déjà parlé dans Diplomatic Courier et qui, ici, semble avoir apprécié

le décor intérieur de la demeure...




mais aussi son garage...



le pavillon de jeu éventré par une explosion...





 ...les extérieurs avec la vue sur San Francisco, et surtout la folle descente de la Mercury décapotable sans freins, dans le pur style de Bullitt.
La musique c'est ici le duo Alfred Newman et Sol Kaplan qui accompagnent les moments forts que vit Valetina Cortese. Et s'il y a dans ce film des situations et des caractères qui peuvent faire penser à Rebecca ou Notorious ou encore Soupçons, il n'y a par contre aucun artifice et glamour de grands acteurs. Je ne situe que peu de films de Hitch dans ce Dossier mais aucun de ces trois, car les émotions qu'ils soulèvent sont bien distinctes de celles que me procurent le film noir.

Valentina Cortese, dans son interprétation de la réfugiée polonaise, rescapée des camps d'extermination, utilise remarquablement des nuances d'un rôle qui traite de la force de volonté que donne la survie, du poids du mensonge, de la méfiance à l'égard des autres, quels qu'ils soient, sauf bien sûr l'enfant. Les cinq années qui la séparent de sa libération des camps de concentration ne peuvent effacer sa souffrance. Son interprétation rend le spectateur complice de ses variations sur la lutte, la défense, la peur de la folie, les remords face à la supercherie qu'elle doit gérer pour assurer sa survie.

S'il y a soupçons, ils sont dus á la difficulté de ces circonstances et non à des évènements successifs que, par exemple, Joan Fontaine vit face à Gary Grant.

S'il semble y avoir une Mrs Danvers, elle va se révéler être d'une autre trempe que celle de Rebecca.

 Si le poison est dans le jus d'orange, qui le boira?

Nous sommes loin de l'artifice hitchcockien si pénétrant mais dans une atmosphère plus proche de tout ce que le film noir a apporté, et je ne pousserais pas la comparaison plus loin.


Le récit


Le film est tiré du roman de Dana Lyon "The Frightened Child" (que l'on peut traduire par "L'enfant apeuré) paru en 1948. Pendant la guerre que lance Hitler en Europe, la juive polonaise, Victoria Kowelska, est internée dans le camp de Bergen Belsen après avoir perdu sa famille assassinée par les nazis. Elle se lie d'amitié avec Karin Dernakova qui appartient à la noblesse polonaise. Celle-ci lui donne de nombreux détails sur sa vie et en particulier lui parle de son fils envoyé aux Etats-Unis chez une tante, Sophie, mariée à un riche américain.
Le portrait de la tante Sophie serait de Helena Benda,
 actrice qui a joué comme figurante dans plusieurs films comme
 David et Betsabé- -Le portrait de Dorian Gray-Le tour du monde en 80 jours.


 Karina meurt et Victoria prend son identité à la libération du camp en Avril 1945. . Elle voit là le moyen de repartir dans la vie après les horreurs vécues en Europe. Bien qu'on l'informe en Mai que la tante Sophie est décédée et qu'elle n'a plus d'attaches aux Etats-Unis, elle part pour retrouver le "fils". A New York, elle prend contact avec l'avocat Alan Spender (Richard Baseheart, le clown de La strada de Fellini avait joué dans le film noir He walked by night en 1948). Ce dernier avait envoyé la note du décès de la tante et assure la tutelle sur l'enfant. - On tarde à lui reconnaître ses droits- Elle informe qu'elle va lutter pour avoir l'enfant- Alan accepte de l'accueillir à la maison de San Francisco, dans le quartier de Telegraph Hill- Il met l'argent à sa disposition pour tout ce dont elle a besoin- Ils se marient et se rendent en Californie (Valentina Cortese et Richard Baseheart se marient pendant le tournage)- L'enfant a une gouvernante, Margaret (Fay Baker, qui a travaillé pour Hitchcock dans Notorious en 1946)

On goûte au jus d'orange dans la tradition californienne

Le jeu de Alan et Margaret la nuit lui est suspect- Victoria/ Karin n'est pas naïve: la survie lui apprend à se méfier de tout et de tous- C'est à ce moment qu'elle met en marche la machine du doute-

Ce n'est plus elle qui trompe, ce seraient les autres?


Marc, l'officier qui l'a interrogé à Bergen Belsen,
réapparaît...




 Marc est une connaissance de Alan et il venait souvent avec sa famille chez la tanteSophie- Comme dans Rebecca, Victoria/ Karin perd à chaque fois devant Margaret, mais celle-ci est-elle une Mrs Danvers? Elle fait part peu a peu de ses doutes à Marc
Au marché de San Francisco

 -la découverte de la cabane qui a explosé lorsque l'enfant jouait avec sa boite de chimie augmente les doutes-  Pourquoi y a-t-il eu une explosion dans la cabane?
Elle commence à ressentir la peur dans la cabane, face à Alan-
- Cherche-t-on á tuer l'enfant- Ou à la tuer elle et l'enfant?- Ou Margaret protège-t-elle l'enfant lorsqu'elle part en voiture, vers la mort?-

Qui l'épie dans le garage?

 Marc finira-t-il par la croire ou pense-t-il que son état nerveux est lié à ce qu'elle a vécu à Belsen?
Au restaurant chinois,  la chanson Blue Moon.

Alors Victoria/ Karin avoue à Marc son changement d'identité il la comprend, "j'étais á Belsen moi aussi, Victoria" Elle trouve une preuve de la stratégie de son mari:

...il a avancé la date d'envoi du décès aux services des réfugiés,
 donc il aurait tué la tante?
Mais il referme le piège sur elle, ne la laisse pas prévenir Marc


 - L'empoisonnera-t-il?

Le verre de jus d'orange est-il pour elle…

...ou pour lui?


Lui n'aura peut-être plus peur...

"Five Fingers" (Joseph L.Mankiewicz)

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Five Fingers (L'affaire Cicéron- Joseph L. Mankiewicz-1952).



Nous sommes en Mars 1944, à Ankara.

La Turquie qui est encore neutre à ce moment de la Guerre mondiale, est le pays des intrigues entre ambassades des alliés occidentaux et de ceux de l'Axe Berlin-Rome-Tokyo. Diello (James Mason) est employé à l'ambassade de Grande Bretagne. Il arrive à accéder à des documents "Top Secret" en provenance de Londres et décide de les vendre à l'ambassade d'Allemagne, par l'intermédiaire du fonctionnaire Moyzisch. Ribbentrop, ministre des affaires étrangères du gouvernement nazi  lui donne le nom de Cicéron pour cette opération. Son plan qui consiste à passer de son état de valet à celui d'homme riche à Rio de Janeiro.

Il se fait aider par la Comtesse Slaviska (Danielle Darrieux)  pour mettre à l'abri l'argent gagné, recevoir les négociateurs allemands et préparer les faux papiers du voyage. Des fuites entre ambassades entraînent la venue de Travers (Michael Rennie) des services de contre espionnage de Londres. La comtesse entre-t-elle dans le jeu de Diello ou pense-t-elle à le doubler? Dellio arrive-t-il à réaliser son plan?


Travers-Moyzisch-Diello
Le livre
Le producteur de la 20th Century Fox, Darryl Zanuck, a obtenu les droits sur un livre paru en 1950 Der Fall Cicero (Operation Cicéron) de Ludwig Carl Moyzisch. Que le titre du livre apparaisse dans la première séquence avec en surtitre "Five Fingers" est bien entendu une belle façon de jouer entre la fiction et la réalité, ce qui est le fond du scénario. Notons que 10 ans après le film parait en 1962 le livre "Moi Cicéron" de Elyesa Bazna (le véritable "Cicéron").


Bien que le livre de Moyzisch donne les éléments essentiels de ce qui s'est réellement passé à Ankara, il a certainement sa part de fiction. Par ailleurs, Bazna-Cicéron a disparu et l'on n'a pas encore sa version des faits. L'affaire rocambolesque et romanesque offre, bien entendu, tous les ingrédients pour un film. Ce qui permet au scénariste de parler de documents concernant le débarquement en Normandie, ce qui sera invalidé plus tard, de changer les dates puisque c'est dès Octobre 1943 que Bazna contacte Moyzisch et non en Mars 1944, de contracter les évènements sur une période très courte. Mais surtout, au lieu de faire référence aux nombreuses maîtresses qu'aurait eu Bazna, il a la très bonne idée d'inventer le personnage de la comtesse qui donne plus de force aux intrigues et jeux de dupes dont Mankiewicz modèle avec plaisir les dialogues.

Le titre du film
Il semblerait que Daryl Zanuck refusa le nom de Ciceró qui apparaît dans le titre du livre car il rappelle le quartier Cicero de Chicago où avaient eu lieu des émeutes raciales entre le 10 et le 12 Juillet de l'année de tournage[1].

Il parait aussi que le choix de Five fingers est du à l'intérêt d'un  Zanuck suffisamment superstitieux comme pour faire figurer un chiffre dans le titre, ce qui a porté bonheur à la Fox les années antérieures avec les films de Henry Hathaway dont nous parlerons plus loin. L'affiche donne aux cinq doigts les noms de "Lust-greed-passion-desire-sin" (soif de pouvoir- avidité- passion- désir- péché).

Le choix d'une équipe
Après Diplomatic Courier, je pense naturellement à Five Fingers (L'affaire Cicéron- Joseph L. Mankiewicz-1952). Moins connu que The third man (Le troisième homme), il reste un des meilleurs films d'espionnage de l'époque et je le situe dans ce Dossier FILM NOIR pour quelques raisons que je crois bonnes.

C'est d'abord la photo de Norbert Brodine, qui a déjà donné ses images sombres et inquiétantes à quelques films noirs de Hathaway comme The house on 92nd Street en 1945, Kiss of Death et Rue Madeleine en1947. La même année, il assure la direction photographique de Boomerang de Elia Kazan que l'on traitera peut-être plus tard. Auparavant, il avait accompagné Mankiewicz dans Somewhere in the nignt (Quelque part dans la nuit- 1946), premier film de Mankiewicz pour la 20th Century Fox (Five Finger étant son dernier avec cette production).

C'est aussi la musique de Bernard Hermann qui crée cette atmosphère propre aux films noirs. Il a le don de l'orchestration qui accentue l'inquiétude du personnage et la menace qui pèse sur lui dans l'action. Herrmann a été un fidèle de Orson Welles depuis le succès radiophonique de La Guerre des Mondes, puis Citizen Kane et La Splendeur des Ambersons. Il retrouve ici Mankiewicz pour lequel il avait déjà écrit la musique de The ghost and Mrs Muir (L'aventure de Madame Muir-1947). Avec Five Fingers nous l'entendons explorer des pistes qu'il développera plus tard avec Hitchcock. La séquence à Istanbul résonne déjà des accents de Vertigo.


Darryl Zanuck choisit Henry Hathaway pour réaliser le film. Celui-ci a eu un grand succès avec le film noir Call Northside 777(1948). Comme nous l'avons vu avec Diplomatic Courier, Hathaway a un goût pour le réalisme et les tournages hors des studios, parfois sur les lieux mêmes de l’action, des caractéristiques qui ont certainement motivé Zanuck dans son choix ; celui-ci souhaite en effet que le film soit tourné dans un style

proche du documentaire. On sait d’après un mémo daté du 7 novembre 1950 qu’il veut donner à Diello-Cicéron le rôle central de l’histoire en ne lui attribuant aucune prise de position politique. Compte tenu de la relation du personnage principal avec les nazis, cette neutralité permet de le faire accepter plus facilement par le public en ce début des années 1950.
Le scénario est confié sur ces bases à Michael Wilson qui vient d'obtenir un Oscar pour A place in the sun (Une place au soleil-Georges Stevens-1951). James Mason signe en 1950 un contrat à court terme avec la Fox pour pouvoir incarner Rommel dans The desert fox (Le renard du désert-1951) sous la direction de Henry Hathaway. Pendant la pré production de L’Affaire Cicéron, Hathaway fait donc appel à James Mason pour interpréter le personnage principal.


Pourquoi ce changement de direction? Joseph L. Mankiewicz vient de gagner 2 Oscars comme réalisateur coup sur coup: en 1950 con A letter to three wives  et en 1951 avec All about Eve qui relance la carrière de Bette Davis.  Il est en fin de contrat avec la Fox pour qui il vient de terminer People will talk (On murmure dans la ville- 1951). Avant la fin de son contrat, alors qu'il envisage de reprendre une production indépendante, d'avantage dans son tempérament et bien qu'il ne supporte pas Zanuck , il accepte l'offre que lui fait le producteur. Ce dernier sent qu'il vaut mieux miser sur lui plutôt que Hathaway, lequel a déjà préparé l'essentiel du film. Mankiewicz accepte la base du scénario et le choix de James Mason. Celui-ci, malgré le changement de réalisateur en cours de route, sera ravi d’être dirigé par Mankiewicz.

Le nouveau metteur en scène respecte la continuité dramatique rédigée par Wilson, mais va reprendre tous les dialogues –bien que son nom n'apparaisse pas dans le générique avec Wilson –et donner à ce qui aurait pu être un bon petit film noir d'espionnage comme Diplomatic Courier une qualité dans le rapport entre les personnages: rapports de force l’ambition, les jeux de pouvoir et de mensonges, la manipulation, les trahisons, la fausseté des sentiments et surtout de la parole, l'instrument absolu que Mankiewicz utilise avec art dans les confrontations verbales. Autant d’éléments primordiaux dans l’œuvre du cinéaste auxquels il ajoute une maîtrise du rythme, en particulier dans le suspense, le long silence qui accompagne l'employée chargée de nettoyer les tapis. Puis Bernard Hermann donne le contrepoint musical à ce silence. Un coup de maître.


von Richter,  ´délégué par le gouvernement de Berlin, arrive à Ankara .
 Von Papen et Moyzischse voient retirer le dossier Cicéron.
Von Papen ironise: "Quelles instructions me donne la Gestapo?"
De quelques dialogues entre certains personages


Première séquence: récital Wagner la réception des ambassadeurs à Ankara
-Conversation entre les ambassadeurs allemand et japonais.


L'ambassadeur japonais prétexte une migraine pour se retirer. Von Papen lui répond que lui aussi-
-Von Papen: «Wagner me rend malade»
-Ambassadeur japonais: «Monsieur von Papen, j'ose croire que votre pays appréciera cette audace…vous êtes le seul allemand surprenant que je connaisse»

-La comtesse et Von Papen

Ruinée et cherchant à retrouver son rang, elle sait que ses relations, son charme, sa capacité pour organiser fêtes et réceptions lui permettent de servir n'importe quelle ambassade en échange d'argent.
-Von Papen: «Souvent je me demande, comtesse pourquoi avez-vous quitté Varsovie?»
-Elle: «Les bombes pleuvaient et j'étais en dessous.. A Londres? Recevoir des bombes à Londres n'était pas plus attrayant qu'à Varsovie».
-Von Papen «vous auriez pu retourner à votre pays, en France».
-Elle: «Comme la pauvre veuve d'un comte polonais germanophile? »
-Von Papen: «vous auriez compté sur notre protection»
-Elle: «J'ai entendu dire que déjà mes terres et tous mes biens sont protégés en Pologne»

Von Papen souriant, lui répond que le nouveau propriétaire est Goering. La comtesse offre alors ses services à l'Allemagne,
-Von Papen, avec un certain mépris:« vous suggérez que le gouvernement allemand vous utilise comme espionne?... Un travail sordide»
-Elle: «sordide mais bien rémunéré»
Mankiewicz décrit von Papen comme élégant et raffiné, parfois indifférent, parfois très critique à l'égard de son gouvernement. Lorsque Berlin ne prend pas en compte les informations de Diello sur le bombardement anglais des champs pétrolifères en Roumanie pour s'assurer que ses informations sont fiables et, bien entendu, décident de ne pas avertir les Roumains, von Papen enrage: «ne pas avertir les Roumains… des milliers de morts … Paranoïaques, bande de gangsters débiles! Il est temps de comprendre que nous avons un gouvernement de délinquants juvéniles».


Séquence: réception chez la comtesse
Von Richter (envoyé de Berlin par la Gestapo) est invité à cette réception pour traiter directement avec Diello-Cicéron. Mankiewicz Ce dernier a installé son centre d'affaires chez la comtesse, faisant profiter celle-ci d'une partie de ses bénéfices. Von Richter se présente comme Holder, homme d'affaires suisse. La comtesse cherche à en savoir plus sur le personnage:




-Elle: vous aussi êtes un diplomate, Mr Holder?
Von Richter: Je suis ce que l'on peut appeler un "intermédiaire" (middleman)
Elle: Les intermédiaires abondent en Suisse, il semblerait que ce soit l'occupation nationale.
Von Richter: Nous les suisses sommes depuis des centaines d'années au milieu de tous. [jeu de mots entre intermédiaire, middleman en anglais, l'homme du milieu]


Moyzisch, l'auteur du livre qui inspire le film,  est un personnage décrit avec soin et ironie par Mankiewicz. Oskar Karlweis  porte son rôle de fonctionnaire subalterne, fidèle adorateur de Hitler, au plus près de la réalité. En opposition avec Diello-Cicéron qui, lui, n'a aucun scrupule pour trahir ceux qui l'emploient. face à Moyzisch dont le caractère  lui offre la possibilité de se venger de sa propre position en le traitant en valet, Diellol ne manque pas de cynisme.

Par exemple lorsqu'il se sert à boire dans le buereau de Moyzisch en l'obligeant à boire lui aussi: «L'un des avantages d'être dans un pays neutre est que les allemands peuvent boire un bon whisky écossais, tandis que leurs ennemis peuvent savourer une bonne bière allemande». Tout en contrôlant la combinaison du coffre de l'ambassade allemande: "Quel manque d'imagination, c'est la date de naissance d'Hitler".



Il y a encore tout un festival de bons mots et de rebondissements dans ce jeu d'apparences et de simulacres où, à la fin, toute se joue dans le faux et mérite un grand éclat de rire.



Notes
[1]. Emeutes à Cicero-Chicago: voir le lien suivant