"Missing" (Cycle:Au temps des mensonges)

Missing est le premier film présenté dans le cadre de ce cycle sur Cinéma et Démocratie. Il représente en effet une situation proche de l'actualité quant à la relation entre les démocraties occidentales (ici les Etats Unis) et les pays que l'on nomme aujourd'hui "émergents" (ici le Chili)... 

Sous l'oeil vigilant de la CIA

11 Septembre… 1973. Au Chili, c’est le coup d’état contre le gouvernement démocratique de Salvador Allende. Nous sommes Au temps des mensonges à l’Ambassade des Etats-Unis. C’est ce qu’un citoyen américain conservateur découvre lorsqu’il se pose la question : «Que fait mon gouvernement en mon nom ,  alors qu’il effectue des recherches sur place après la disparition de son fils.


L’arrivée au pouvoir de Salvador Allende en 1970 ouvre la porte à un régime socialiste à la chilienne sur lequel la Démocratie Chrétienne donne son accord. Cet appui initial va se perdre au fur et à mesure que l’inflation augmente et que se détériore la situation économique à cause d’une mauvaise gestion du gouvernement.
Les groupes qui représentent les extrêmes de l’éventail politique vont développer un climat de violence. A gauche, c’est le MIR –dans le film Sissy Spacek et son compagnon, fils de Jack Lemon, appuient ce mouvement. A droite, le mouvement  Patrie et Liberté, soutenu et financé par des groupes de pression et la CIA qui défend les intérêts stratégiques et économiques des USA, va essayer d’en finir avec le gouvernement de Allende par différentes méthodes. Lorsque la confiance est renouvelée à Allende au cours des élections suivantes, il apparaît clairement que la voie démocratique ne permet le changement souhaité par ces mouvements. La voie militaire est décidée : elle en finit avec le gouvernement socialiste, le Palais présidentiel est bombardé, Allende se suicide.


La mort de Allende


Zoom sur "Missing"
Après le succès de Z (deux oscars en 1969) et utilisant la technique du film d’action, Costa Gavras se convertit en champion du thriller politique dans le cinéma français, un genre dans lequel seul Yves Boisset s’était lancé en France avec L’attentat. Il tourne en 1982 son premier film aux Etats-Unis, Missing, à partit du roman de Thomas Hauser (L’éxécution de Charles Horman : un sacrifice américain). Le choix de Jack Lemon et de Sissy Spacek (Oscar en 1980 pour son interprétation dans Coal miner’s daughter) ouvre la porte à un succès commercial malgré la sortie de Tootsie et Gandhi au même moment.
Le fait que le Secrétaire d’Etat des USA essaie d’apporter un démenti aux évènements décrits dans le film et que, par ailleurs,  son ambassadeur au Chili porte plainte contre la production,  vont provoquer un impact politique favorisé par les  prix que reçoit le film : Palme d’or à Cannes, Oscar du meilleur scénario adapté et nomination pour Jack Lemon.
Costa Gavras pose le problème de l’implication du gouvernement des USA au niveau militaire dans le coup d’Etat chilien et la complicité de son Ambassade à Santiago lors de la répression organisée par les militaires putschistes. Missing s’appuie sur un cas réel, celui de Charlie Horman. Cependant, le metteur en scène développe en parallèle à la disparition de l’américain, le thème de l’élimination systématique de milliers de personnes dans les dictatures du cône sud-américain, l’utilisation de la disparition comme arme de la terreur organisée.


Recherche du corps


Le film noir, dans sa version politique avec sa théorie du complot, vit son âge d’or dans les années 1960 et 70. Avec Missing, Costa Gavras atteint son objectif dans l’emploi de ce genre pour dénoncer l’autorité établie. Il lance, à partir d’une histoire réelle, une attaque qui, par une série de détails, transforme les caractéristiques propres à un complot indéterminé en une vision politique qui cherche à provoquer le débat. Il nous offre aussi le portrait d’un citoyen américain conservateur qui, dans ces années 1970 de complots politiques, de guerre froide et guerre ouverte, va effectuer une transformation personnelle lorsque les circonstances l’amènent à l’affrontement avec la politique menée par son pays.


Affiche du film à Séville


 Les recherches que lance Jack Lemon sur la disparition de son fils se heurtent sans cesse aux mensonges des hauts fonctionnaires américains. Ce qui n’empêche pas la révélation du complot et sa conséquence inévitable : «la fin de l’innocence et la perte de confiance en l’autorité» (Frédric Jameson dans La totalité comme complot).
Nous ne sommes plus devant les héros des films des années 60 que sont le politique pacifiste de Z ou le politique unificateur du tiers-monde dan L’attentat. A l’époque où se tourne Missing, nous sommes entrés dans l’ère du cynisme universel, celle où tout peut être instrumentalisé et où les valeurs, démystifiées, ne sont plus que pur sentimentalisme. Un temps où personne ne peut réellement tirer parti du mensonge. Il n’y a plus de héros. Jack Lemon n’est pas un idéaliste et sa lutte n’est pas celle d’un homme qui détient la vérité sinon celle d’un citoyen qui a perdu son innocence et la confiance en son gouvernement, son armée et sa diplomatie. C’est cette approche au facteur humain qui eut un impact exemplaire sur le public après les évènements traumatisants des années antérieures que furent l’assassinat des Kennedy et Luther King, le Watergate et la disparition de Ben Barka à Paris.

Prochain film du dossier: nous restons aux Etats-Unis pour parler de la naissance de la démocratie dans le lointain Ouest: L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford.